A l’entrée de la grande rue, arrive Casimir le boa, long de douze mètres, à la  peau lisse, verte et jaune, phosphorescente.

Afin d’impressionner, Casimir le boa roule ses grands yeux ronds. Sa bouche s’ouvre sur des dents bien rangées. Il lui en manque une, ce qui lui donne un petit air coquin.

Il émet des sons joyeux : - hohia, hohia, hohia, au rythme de sa tête qui dodeline.

Casimir attache chaque matin un nœud papillon rouge autour de son cou. Il dit que cela rend les boas de son espèce plus élégants.

Les enfants de la ville le connaissent, et ne le craignent pas. Caroline, Jane, Nicolas et Patrick sont les plus fidèles de la bande à Casimir. Ils vont tous à l’école chez Mademoiselle Pinsec qui n’aime pas Casimir et qui essaie par tous les moyens d’empêcher les enfants de jouer avec le boa Casimir. 

Un jour, il vous fera du mal, dit-elle souvent, ou vous mangera !

Non, répondent en chœur et en riant, Caroline, Jane, Patrick et Nicolas, Casimir est un boa végétarien !

Cet après-midi-là, Casimir et ses amis sautent les haies et jouent à cache-cache. Casimir rampe sous les portes, monte le long des façades, se dissimule derrière les murs des maisons.

Hohia, hohia, hohia 

Les enfants rient aux éclats, chahutent et lui disent : viens Casimir, descend du toit, on t’a vu !

Casimir se laisse glisser jusque vers ses amis qui l’attendent devant la boutique de Monsieur Jonas.

Monsieur Jonas connaît Casimir et l’aime bien, car dans la petite ville, le boa jaune et vert apporte à chaque instant une note de gaité. Ce jour-là,

Monsieur Jonas a eu le grand tort de laisser la porte de son magasin ouverte sur le soleil nouveau de l’été.

Il n’en faut pas plus à notre ami Casimir pour se glisser à l’intérieur. L’odeur des fruits lui fait un étrange effet : hohia, hohia, hohia  !

Ses yeux ont pris tout à coup un air lointain, comme vitreux… la bouche ouverte, il rêve, ondule, tend son long corps souple, s‘enroule et se déroule…

Arrête crient Caroline, Jane, Patrick et Nicolas, tu renverses tous les étalages.

Pommes, poires, oranges, citrons, melons, libérés, sortent du magasin, descendent le long de la rue, semant un peu la panique chez les automobilistes qui stoppent vigoureusement.

Casimir dans la magie de son rêve ne voit, n’entend, ni les enfants rire aux éclats, ni les protestations de Monsieur Jonas, ni les cris des passants.

Pauvre Monsieur Jonas, courant de-ci, de-là, il tente de retenir Casimir. Il ne peut pourtant pas stopper la dégringolade de ses fruits, et les pommes, poires, oranges, citrons, melons continuent leur folle descente !

A bout de nerfs, Monsieur Jonas ne peut contenir sa rage, se précipite sur Casimir le boa, et lui arrache son nœud rouge.

L’effet est immédiat, Casimir se réveille étonné de son audace, de sa folie.

Entourant tendrement de ses anneaux Monsieur Jonas, il lui dit : hohia, hohia, hohia, pardonnez-moi, Monsieur Jonas, je ne recommencerai plus jamais, mais parfois j’ai la nostalgie de mon pays natal.

Alors Monsieur Jonas explique à Casimir que la place d’un boa vert et jaune, phosphorescent, long de douze mètres, est ailleurs que dans la rue d’une petite ville et qu’il faut y réfléchir.

Caroline, Jane, Patrick et Nicolas tentent de consoler Casimir qui a laissé ses hohia, hohia hohia pour des gros sanglots qui font un bruit profond et sourd : brrroum, brrroum, brrroum.

Heureusement, Monsieur Jonas trouve vite la solution. Deux coups de téléphone lui confirment que le parc de la ville accepte de recevoir Casimir le boa. Les enfants lui construiront une petite cabane, une petite maison de bois et de toutes les couleurs.

En vous promenant dans le parc de votre ville, n’oubliez pas d’apporter des petites gâteries à votre Casimir le boa vert et jaune qui aime tant les enfants et les fruits.